Extraits de presse Bobby Fischer

© Pierre FromentBobby Fischer vit à Pasadena

de Lars Norén

Extraits de presse

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« Il y a des pièces, ça ne s’explique pas, qui vous happent d’entrée ; Le miroir que tend le suédois Lars Norén au début de Bobby Fischer vit à Pasadena est du genre diabolique : à peine assis, hop, vous voilà de l’autre côté ; en enfer… Et quand son écriture rencontre un metteur en scène capable de plonger au texte plutôt que de faire des moulinets autour, le résultat est dévastateur. Claude Baqué, qui monte la pièce au Théâtre de l’Opprimé, a le cœur bien accroché, et ses comédiens (Geneviève Esménard, Isabelle Habiague, Alexis Nitzer, Nicolas Struve) encore plus… Dans la petite salle de l’Opprimé, les spectateurs, placés tout près des acteurs, se trouvent au cœur d’une action irrespirable. La lumière est basse, les comédiens jouent tellement justes qu’ils en deviennent irréels, on baigne dans un cauchemar très éloigné de la vulgarité d’un reality show. K.O à l’entracte, on y retourne, comme hypnotisé par les coups. Décidément maléfique, la pièce trouve le moyen, dans sa deuxième partie, d’être drôle. Vous avez dit théâtre à l’estomac ? Toute résistance est inutile. Norén est le plus fort.

René Solis – Libération – 24 mars 2002

« Lars Norén montre avec ce Bobby Fischer vit à Pasadena un sens subtil des dialogues et de la dramaturgie. Car cette pièce est une bombe. La mise en scène de Claude Baqué gère les situations avec beaucoup de finesse et un doigt d’humour salvateur dans la tension. Les comédiens sont tous remarquables, gardant toujours la retenue nécessaire, avec une mention spéciale à Nicolas Struve qui interprète avec une grande précision le personnage du fils schizophrène. »

Hugues Le Tanneur – Aden/Le Monde – 4 avril 2002

« Quand ils déboulent en tenue de soirée dans le salon de cet appartement bourgeois-intello, les quatre personnages de Bobby Fischer vit à Pasadena, pièce du Suédois Lars Norén, reviennent du théâtre. En parlent. Avec excitation. Surtout la mère. Dans sa logorrhée mondaine, on comprend vite qu’elle en fut de cette famille du théâtre. A la fin des quatre actes, les mêmes paraîtront dans une lumière d’un blanc clinique, l’image d’un univers quasi psychiatrique. Que s’est-il passé entre-temps ? Beaucoup de choses, beaucoup de dits et non-dits dans cette famille d’écorchés. Et l’on s’accroche très vite à leur histoire grâce à une mise en scène d’une rare efficacité. Grâce au jeu exemplaire des quatre comédiens. Les échecs qui affleurent de ce magma familial bousculent le spectateur. (…) Rien de sordide dans tout cela. L’humour, à défaut d’amour, n’est jamais loin. Juste un chassé-croisé entre faux-semblants et blessures indélébiles. Beau travail. »

Jean-Pierre Bourcier – La Tribune – 4 avril 2002

« De même que Jon Fosse, son voisin norvégien (mais dans un style différent !), Lars Noren est passé maître dans l’art de faire entendre ce qui ne se dit pas, ce qui ne s’avoue jamais à soi comme aux autres – blessures secrètes, douleurs cachées, désirs refoulés, rancœurs rentrées… enfermés depuis longtemps sous la double chape de la bonne conscience et du contentement de soi. Usant de la psychanalyse comme de la critique sociale, ce sont ces vérités qu’il fait remonter à la surface au fil d’une écriture qui gratte où ça fait mal, taille dans la chair. Metteur en scène, Claude Baqué a créé cette pièce en France au début du mois de mars. C’était à Mayenne. Il reprend ce spectacle pour quelques jours encore à Paris, dans un théâtre «alternatif» (et essentiel!) : le Théâtre de l’Opprimé. Il serait dommage qu’il ne soit pas représenté par la suite ailleurs. C’est qu’ici tout n’est qu’évidence, simplicité savante -du décor (un salon chic, sans chichis ) aux déplacements et au jeu des comédiens (ces «adultes qui font semblant, qui parlent et tournent en rond», comme l’affirme une réplique!). Un air de rien, ils font éclater le vernis des bonnes manières comme des bons (ou mauvais) sentiments pour conduire jusqu’au plus profond désarroi d’être. »

Didier Méreuze – La Croix – 5 avril 2002

« Bobby Fischer vit à Pasadena, en fait un titre écran, qui ne dévoile pas l’histoire ; et l’histoire on va la découvrir petit à petit, puisqu’au début on voit une famille rentrer chez elle, après avoir vu une pièce de théâtre un peu trouble. On voit un père chef d’entreprise, une mère, une fille, un fils. Des gens normaux, bourgeois, comme il faut. Et puis petit à petit on entre dans les liens intimes, les secrets. Et on découvre un père absent, caché dans les soucis de son travail, une mère étonnante d’hypocrisie, qui met en scène ses sentiments, qui a dû renoncer à sa carrière d’actrice pour être mère et femme d’un homme avec qui elle ne couche pas depuis dix-sept ans. On découvre une fille alcoolique, un fils psychotique qui à trente ans vient juste de sortir de l’hôpital. On découvre les fils qui les relient les uns avec les autres, et aussi le vide qui passe entre eux. On découvre comment on fait semblant de vivre, dans une belle maison, avec aussi une maison à la campagne, un voyage à l’étranger programmé pour Noël. On voit, on croit voir une famille, et on voit la carcasse de cette famille. Tout passe à travers les mots de Lars Norén, la tension est constante, le décor est minimaliste, les gestes, les déplacements sur scène aussi. Les comédiens arrivent à faire exister la tension du début jusqu’à la fin. Ils sont étonnants : tout dégringole en finesse, et tout semble tellement vrai. »

Monica Fontini – France Culture – 16 mars 2002

Extraits de presse Anatole

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Anatole d’Arthur Schnitzler

Extraits de presse

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« Une intelligence féroce, désespérée, mène cette plongée dans les désaccords inguérissables de l’amour et du sexe, ce voyage au bout de nos nuits, où les femmes sont finalement meilleures que les hommes. Le spectacle de Claude Baqué épouse cette intelligence avec une joie théâtrale exceptionnelle. De cette grande soirée, on sort saisi par un bonheur noir. »

Gilles Costaz, Politis – septembre 2003

« Commençons par l’essentiel : ce spectacle est un régal de tous les instants. La pièce parle de l’inconscient, le fait consister plutôt et, sans aucun souci pédagogique, décrit de façon aérienne et enjouée, un peu triste parfois (il y a du Ibsen chez Schnitzler mais aussi du Tchekhov), la malédiction de l’hystérie et de la compulsion de répétition. Anatole (Carlo Brandt, parfait) aime les femmes, les filles des faubourgs, les bourgeoises mariées, les élégantes ou les danseuses de cabaret. Évidemment, il s’ingénie à tout faire échouer pour mieux jouir de son malheur, éternelle stratégie du névrosé. »

Hervé de Saint Hilaire, Le Figaro – septembre 2008

« Ce fut sa première œuvre dramatique, publiée en 1892. Un ensemble, déjà, de petites scènes, comme « Le Ronde ». Claude Baqué, qui les a traduites et qui les met en scène, dans un décor très sobre, presque nu, en conserve la référence fin de siècle, via les costumes, en cisèle la langue, superbe, raffinée, en ralentit un peu, juste assez, le rythme, pour qu’une distanciation un rien mélancolique puisse s’installer. Et dirige un éblouissant trio de comédiens qui donnent à cet ensemble sans autre lien apparent qu’une atmosphère, celle du désir, et qu’une même vérité, celle de la difficulté d’aimer, une élégance un peu désuète étrangement fascinante. Une soirée au charme rare, un peu exigeant, dont on se souviendra comme d’une belle chose. »

Annie Coppermann, Les Échos – 25 septembre 2003

« Claude Baqué, qui a traduit la pièce, la met en scène dans un décor dépouillé et une atmosphère élégante, un brin désuète. À l’affiche, un trio d’excellents comédiens. Jacques Denis, l’ami fidèle ; sage, souvent moqueur. Carlo Brandt, que l’on n’attend pas dans ce rôle d’homme blessé, perturbé, et Zabou Breitman. Dans de ravissants costumes, elle est radieuse, mutine, enjôleuse et jalouse, pleine de charme. Mêlant mystère et séduction, chacune de ses apparitions est un vrai bonheur.

Arlette Frazer – le « choix »  de Pariscope – 8 octobre 2003

« Avec cet Anatole, Claude Baqué nous donne un spectacle jubilatoire. Appuyée sur un décor épuré et des costumes élégants, sa mise en scène braque une lumière subtile sur la mécanique cruelle de Schnitzler. »

Vincent Philippe – 24 heures Lausanne – 21 octobre 2009

« Le décor, obscur et sobre, rejette l’anecdote au profit du « théâtre mental », mais les costumes ancrent la pièce dans son espace-temps, juste tension entre l’universalité d’une parole sur le désir et les déterminations culturelles du moment. Au final, une proposition théâtrale brillante. »

Pierre David – Réforme – 2 octobre 2003

« L’inconscient, le jeu subtil entre les illusions et la vérité, le reflet des images intérieures jouent un rôle considérable. Le décor tout en sobres reflets de Matthieu Ferry, qui signe aussi les très belles lumières, participe de cette volonté d’aller au-delà du miroir, au-delà des typologies faciles… Une très belle pièce, où les faux-semblants, l’hypocrisie, la jalousie et l’amour-propre montrent tout ce dont ils sont capables pour compliquer la quête du bonheur. Dans Vienne brillante mais déjà aux portes d’un autre monde. »

Agnès Santi – La Terrasse – octobre 2009

« Zabou Breitman est à elle seule un orchestre de musique de chambre. Demi-mondaine ou mondaine entière, file de joie devenue profonde, acrobate, danseuse, femme adultère, russe envahissante, chaque fois, cette comédienne exceptionnelle construit un être complet, complexe, avec ses doutes, ses contradictions, ses stratégies, ses douleurs, ses non-dits. Et, pour conclure, une bouleversante sagesse féminine, en avance sur son temps, et sur le nôtre, encore. »

Jean-Marc Striker – France-Inter – 21 septembre 2008

« Belle scénographie de Matthieu Ferry, dont chaque changement de tableau évoque un cadre de Klimt, atmosphère fin de siècle, cet Anatole, rarement joué, vaut par son élégance mélancolique. »

Annie Chenieux – Le Journal du Dimanche – 28 septembre 2003

« Filant les traces d’une ronde de personnages pris dans un entrelacs d’imbroglios sentimentaux, Anatole fait constamment émerger le léger  tremblement des choses et des êtres, les troubles d’une impossible union du féminin et du masculin. Claude Baqué capte ce bouillonnement de vie à la volée de scènes superbement agencées : avec un sens remarquable des temps et des contretemps et de l’agencement dramatique, le metteur en scène nous fait découvrir peu à peu l’écheveau des désirs, des doutes qui les unissent, de petites trahisons et manipulations qui les désunissent. Grandes qualités esthétiques (lumière et décor de Matthieu Ferry), aphorismes caustiques, texte brillant sculpté à l’ébauchoir : le spectacle appelle tous nos bis. »

Myriem Hajoui – A nous Paris – 27 octobre 2003

Entretien avec Lars Norén

L’entretien s’est déroulé à Stockholm, en novembre 2004. Il a été enregistré et traduit par Katrin Ahlgren.

 

Claude Baqué – Quand la pièce s’est jouée à Berlin, elle s’appelait Tristano, et à Stockholm elle s’appelait Stilla vatten

Lars Norén – Je préfère Stilla vatten, c’est un titre plus pertinent…

C.B. – Dans quel esprit as-tu effectué les modifications entre les deux versions ?

L.N. – J’avais envie d’aller plus loin avec certains acteurs à Berlin et avec d’autres à Stockholm… En fait, c’est aussi bien que ce soit quelqu’un d’autre qui monte mes pièces, parce que je n’ai pas de respect pour un texte que j’ai écrit moi-même… ça m’ennuie, alors je fais des changements…

C.B. – J’aimerais beaucoup savoir d’où viennent les personnages de Stilla vatten – dans ton théâtre,  dans ton histoire…

L.N. – Ils sont très proches des personnages d’une pièce qui s’appelle Endagsvarelser (« Êtres d’un Jour »). Mais dans cette pièce les personnages sont un peu plus jeunes et ils ont abandonné leurs convictions. Ils ne savent plus quoi faire dans la vie… Et ça, c’est une sorte de mort…

J’ai commencé à écrire Stilla Vatten en 1982…ensuite j’ai écrit de temps en temps… j’ai repris en 1992, et quand ils m’ont demandé de venir en Allemagne, j’ai choisi cette pièce…

Il y a un sujet qui revient dans toutes mes pièces – la mort – pourquoi certains veulent vivre, pourquoi ils survivent et pourquoi d’autres cèdent et abandonnent la vie… Ce que nous n’avons pas réalisé dans la vie ou ce qui n’est pas advenu comme nous l’avons espéré ou pensé peut devenir très dominant – nous pouvons voir cela comme une sorte de mort dans la vie…  Pour la mère (Emma) la vie s’est arrêtée quand sa fille est morte. Maintenant elle ne comprend pas que le monde continue à changer et que le temps passe. Pour ce qui est du père (Daniel), il ne se laisse pas influencer, il continue à mener la même vie qu’avant – il maintient les mêmes structures. Et c’est lui le premier à céder et à entrer dans le  » royaume des morts  » – il n’a plus grand chose à perdre…

Maintenant je reviens à ta question… Je suis influencé par les différents lieux où je travaille !…Je peux donner un exemple, quand j’étais à Berlin pour monter Stilla vatten, je suis passé par la Place de l’Université et là, il y avait une grande surface vitrée au sol à travers laquelle j’ai vu de très grandes bibliothèques – de belles bibliothèques blanches où il n’y avait pas un seul livre… Il se trouve que c’était un monument en mémoire de l’Autodafé de 1933. Plus tard, quand j’ai monté la pièce à Stockholm, j’ai essayé de recréer ce lieu. J’ai mis des bibliothèques sur la scène, des bibliothèques vides mais en même temps très présentes…

C.B. – C’est ce que tu appelles  » les livres de cendres  » ?

L.N. – Oui…

C.B. – Il y a un philosophe français qui a dit quelque part que  «ne pas faire de différence entre la vie et la mort est aussi subversif que la transsexualité »… Je crois que c’est Baudrillard…  Il y a quelque chose d’aussi fort et d’aussi subversif, une espèce de transparence entre la vie et la mort dans ta pièce…  une sorte de translucidité…

L.N. – C’est tout à fait ça. C’est comme ça que j’ai essayé de l’écrire aussi, que le passage entre la vie et la mort soit invisible. Pendant les répétitions j’essaie souvent d’exprimer cela par des positions, par exemple quand un acteur lève la main et qu’il s’immobilise, c’est comme s’il mourrait au milieu d’un geste… Et je vis l’existence de la même manière – le théâtre, la communication et l’amour… C’est comme une danse, comme un mouvement et quand le mouvement s’arrête, il n’y a plus rien… C’est pareil avec nos vies… J’ai essayé d’écrire la pièce comme un mouvement – sans frontière entre la vie et la mort…  ça coule seulement …  et c’est ça que je trouve fantastique, avec le théâtre et avec la danse – cette chose qui meurt au moment d’être vécue… De temps en temps je fais travailler les acteurs avec des mouvements très lents, ils doivent se déplacer comme s’ils étaient morts et ensuite ils doivent s’arrêter dans un rire ou dans un sourire… je donne souvent aux acteurs un grand nombre d’images de la mort… Si nous regardons nos vies en arrière, c’est l’histoire de la mort – la mort parce qu’avant c’était la vie… Le dernier été avant la rentrée des classes, par exemple, ou quand l’école se termine pour de bon, alors il y a une fin et il y a quelque chose qui meurt…  Tout le temps nous quittons quelque chose, c’est comme les chapitres d’une vie… Et on a l’impression d’aller vers une conclusion finale de tous ces chapitres, mais ce ne se passe pas comme ça. Tout d’un coup, c’est  l’histoire qui s’arrête…

C.B. – Stilla Vatten traite de ce qui est perdu… Et de ce qui reste… Chaque personnage a une perte différente: la mémoire, l’identité, le désir… Et le langage !… Ce qui me plaît beaucoup, c’est que tu arrives à donner corps à une idée pourtant  très abstraite: que le langage est notre demeure, qu’on habite le langage…

L.N. – Oui, je pense que d’une certaine manière le langage est notre demeure, et que c’est une demeure perdue…

C.B. – On a le sentiment que ces personnages juifs de Stilla vatten sont dans une sorte d’éternel présent, que leur mémoire est en dehors d’eux, quelque chose de l’ordre de l’inoubliable plutôt que de la mémoire…

L.N. – Il y a des souvenirs qui passent comme des ombres à travers leur conscience… C’est comme des ombres qui passent…  Il s’agit donc de créer, dès le début, une sorte de mouvement… Comme de l’eau qui coule… Et l’eau cherche la tranquillité, elle va vers le calme… Elle coule parce qu’il y a une force qui l’y contraint…

Pour moi, il y a une différence énorme entre notre mort suédoise et la mort juive. C’est aussi écrit dans la pièce, « nous, on sait comment nos morts sont morts « , nous avons souvent une explication à notre mort, la maladie, l’âge… Alors que la mort des juifs fut une mort absurde sur tous les plans. Et les juifs n’ont pas eu le temps de dire au revoir…  C’est la raison pour laquelle la conscience de la mort chez Judith et chez Daniel est plus sombre – la mort juive est tellement cruelle qu’on ne peut pas la décrire… Pour moi on peut parler d’une autre sorte de mort après Auschwitz…

C.B. – Jonas dit à un moment : « Je m’appelle Bruno Bettelheim ». Il y a une filiation entre Jonas et Tomas l’autiste de Bobby Fischer. Ils parlent de la même façon…

L.N. – Oui…

C.B. – …Et en arrière plan de ce personnage, comme en ligne de fuite, on trouve Jessica (l’enfant morte de Daniel et Emma) et Jacob (qui a été cobaye humain). J’aimerais beaucoup, dans ma mise en scène, chercher le point de vue de Jessica… que l’on puisse, à un moment, voir la pièce à travers les yeux de Jessica …

L.N. – C’est une bonne idée ! Absolument…

C.B. – Et Jacob…?

L.N. – Je connais un homme juif, il a 63 ans – ce n’est pas Jacob. Il a été placé dans un camp en Pologne quand il avait 6 ans et puis quand il est arrivé à Auschwitz les médecins ont fait des expériences sur lui – pas le docteur Mengele mais d’autres…. Après la guerre il est parti au Danemark et ensuite en Israël et maintenant il vit en Suède. Il m’a raconté que les Allemands cassaient le nez des enfants pour qu’ils respirent avec la bouche quand ils allaient dans les chambres à gaz. J’aimerais rajouter cette image dans le récit de Jacob pour montrer à quel point les Allemands étaient cruels… C’est comme une plaie saignante…

Entretien traduit par Katrin Ahlgren

The Lady from the sea / Michael Meyer

The Lady from the sea

Introduction à sa traduction de la pièce, par Michael Meyer, dans Ibsen Plays: Three, Methuen Drama, 1961

The Lady from the Sea represents an important turning-point in Ibsens work. He wrote it in 1888, at the age of sixty ; it was the twenty-first of his twenty-six completed plays.

Twenty years before, having explored the possibilities of poetic drama in Brand (1865) and Peer Gynt (1867), and of historical drama in a string of early plays culminating in Emperor and Gafilean (begun in 1864 and finished in 1873), he had turned to the business of exposing the vanities and weaknesses of contemporary society. The League of Youth (1869) attacked the hollowness of radical politicians; The Pillars of Society (1877) attacked with equal vehemence the hollwness of conservatism. Then, turning his attention from the hypocrisy of politicians to the hypocrisy of social conventions, he wrote A Doll’s House (1879), Ghosts (1881) and An Ennemy of the People (1882). The three plays that followed, The wild Duck (1884), Rosmersholm (1886) and The Lady from the sea (1888) were less studies of social problems than of the sickness of the individual; and this is also true of the five mighty dramas of his old age, Hedda Gabler (1890), The Master Builder (1892), Little Eyolf (1894), John Gabriel Borkman (1896) and When We Dead Awaken (1899).

The Lady from the Sea, more than any other of his plays, impressed lbsen’s contemporaries as signifying a change of heart. Within a few days of its publication Ibsen’s earliest champion in England, Edmund Gosse, wrote: « There is thrown over the whole play a glamour of romance, of mystery, of landscape beauty, which has not appeared in Ibsens work to anything like the same extent since Peer Gynt. And moreover, after so many tragedies, this is a comedy…. The Lady the Sea is connected with the previous plays by its emphatic defence of individuality. and its statement of the imperative necessity of developing it; but the tone is quite unusually sunny, and without a tinge of pessimism. It is in some respects the reverse of Rosmersholm; the bitterness of restrained and baulked individuality, which ends in death, being contrasted with the sweetness of emancipated and gratified individuality, which leads to health and peace ».

Later, in a speech delivered in Norway in 1906, the year of Ibsen’s death, the Danish critic, Georg Brandes, recalled a conversation he had had with Ibsen shortly before he began to, write The Lady from the Sea. « I remember that, after Ibsen had written Rosmersholm, he said to me one day: ‘Now I shan’t write any more polemical plays’. Good God, I thought, what will become of the man ? But, as we know, he kept his word. His last plays are not polemical, but are plays about families and the individual. The différence between these two groups of (prose) plays is shown by the fact that of the first six (The Pillars of Society, A Doll’s Ilouse, Chosts, An Enemy of the People, The Wild Duck and Rosmersholm), only one, An Enemy of the People, is named after its chief character, while all the plays in the group beginning with The Lady from the Sea, except the last (When We Dead Awaken), have as their title the name or nickname of a person. »

To understand the reasons for this change of heart, we must go back three years from, the time Ibsen wrote The Lady from the Sea, to 1885.

In the summer of that year he had returned to Norway from his self-imposed exile in Italy and Germany for only the second time in twenty-one years. His previous visit (to Christiania in 1874) had not been altogether happy; but on this occasion he travelled beyond the capital to the little seaside town of Molde, high up on the north-west coast. Although he had been born by the sea, in the port of Skien, and had spent all his vouth and early manhood withim sight of it, he had since 1864 been living in Rome, Dresden and Munich and, apart from that one brief visit to Christiania, had not seen the ocean; for he did not count the quiet waters of the Mediterranean as such. Molde brought back to hom memories of Grimstad and Bergen, and it is related that he stood for « hour after hour gazing down into the fjord, or out at the rough waters of the Atlantic.

People in Molde told him strange stories about the sea, ans the power it had over those who lived near it. Two tales in particular remained in his mind. Onte, told him by a lady, was a Finn who, by means of the troll-powers in his eyes, has induced a clergyman’s wife to leave husband, children and home and stayed away for many years, so that his family believed him dead ; suddenly he returned, and found his wife married with another man.

The first story must have reminded Ibsen of his own mother-in-law, Magdalene Thoresen, who had fled from her native Denmark to escape from a love affair with an Icelandic poet, and had married a widowed cergyman seventeen years her senior. In one of her letters she has left a vivid account of what happened. « While I was studying in Copenhagen I met a youg man, a wild, strange, elemental creature. We studied together, and I had to yield before his mounstrous and demonic will. With him I could have found passion and fulfilment ; I still believe that… Now I have never regretted that he let me go, for as a result I met a better person, and have lived a better life. But I have always been conscious that he could have nurtered into flower that love of which my spirit was capable. So I have lived my life oppressed by a feeling of want and longing. » Of her husband she said : « Thoresen was my friend, my father and my brother, and I was his friend, his child… He was a man to whom I could openly and unhesitatingly say anything to be understood. » She had already told him of « a tragic incident in my restless life. But I bade him regard the past, those year when I had been ignorant, helpless and unprotected, years which I found it impossible to explain either to myself or to anyone else, as a closed book. I begged him to accept me as I was as the result of that struggle and, ir he thought me worthy of it, to let the rest be blotted out. He accepted me.

Magdalene Thoresen was powerfully affected by the sea and could hardly live away from it. Even in old age she had to go down every day to bathe in the surf. « People in Norway, Ibsen said to a German friend while he was writing The Lady from the Sea, are spiritually under the domination of the sea. I do not believe other People can fully understand it. »

During the winter of 1885, after his return from Molde, Ibsen was occupied with planning Rosmersholm. As usual, he did not put pen to paper until the summer, and completed the play in September 1886. Certain traits in the character of Rebecca West in Rosmersholm am plainlly influenced by Ibsen’s stay in Molde. She is obsessed by the sea; Ulrik Brendel calls her « a mermaid » and she compares herself to the sea-trolls which, according to legend, clung to ships and hindered their sailing.

Ibsen had determined to revisit the northern su again the following summer, but in the meantime there occurred a chain of events which, though unconnected with the sea, were also to leave their mark on his next play.

In December 1886, shortly after he had completed Rosmersholm, Ibsen was invited by Duke George II of Saxe Meiningen to visit Liebenstein for a theatrical festival, in the course of which, among other plays, Ghosts was to be performed. Duke George was the patron and inspirer of the famous Meiningen troupe which, under its director Chronegk, so influenced theatrical managers all over Europe during the eighteen-cighties (including Antoine, Otto Brahm, Stanislavsky and Henry Irving, who was much impressed by their lighting and grouping when he saw them in London in 1881). It was not the first time Ibsen had been a guest of the Duke, for as long ago as 1876 he had visited Meiningen to see a performance of The Pretenders – a performance which may possibly have influenced his subsequent writing. This time, however, the Duke showed Ibsen signs of especial favour which evidendy left a deep impression on him. In his letter of thanks Ibsen speaks of « a long and deeply cherished dream » having been fulfilled, and says that the memories of his stay at Liebenstein will remain with him to enrich his remaining days. During the next few months his plays were performed with success in town after town throughout Germany; he was repeatedly feted, three books were published about him, and eminent German authors praised him, and wrote poems in his honour. In France, too, and even England, people were beginning to take serious notice of him at last. He had attracted attention in these countries through A Doll’s House and Ghosts, but hitherto his reputation outside Scandinavia had still largely been that of a revolutionary. Now lie was beginning to be looked upon as an altogether larger and more permanent figure; and Ibsen, like most revélutionary writers, was much gratified at being at last accepted by what is nowadays known as « the Establishment ».

Next summer (1887) Ibsen retumed apin to the north; but this time lie chose, not Norway, but Denmark. At first he went to Frederikshavn, but « I was frightened away froin that town, which has become a colony for artistic coteries, » and lie moved after ten days to the little town of Sæby, on the east coast of north Jutland. He found this much more to his liking and, as at Molde two years before, spent hours each day gazing out to, sea. A nineteen-year-old Danish girl nanied Engelke Wulff, who was also staying at Sœby, noted on the beach « a little, broad-shouldered man, with grey side whiskers and eyebrows. He stood staring out across the water, with his hand shading his eyes. He had a stick with him with which lie supported himself while lie took a book out and wrote something in it. From where I sat and watched him, I supposed him to be drawing the sea. » Ibsen saw her, too, as she sat doing her handwork, and after a time got into conversation with her. She told him of her longing to see the world, and of her love of the theatre, and he promised that he would put her into his next play. One thinks immediately of Bolette; but in fact, when they met by chance in a street in Christiania some years later, lie called her « my Hilde », and one must assume that some of Hilde’s lines in The Lady from the Sea, if not her character, stemmed from his conversations with Engelke Wulff on the beach at Sæby.

Another young lady from Sæby imprinted herself on Ibsen’s memory, though he never met her, for the good reason that since 1883 she had been lying in Sœby churchyard. Her name was Adda Ravnkilde; she was a talented young writer who had killed herself at the age of twenty-one, leaving behind her several stories and a novel, which was later published with a foreword by Georg Brandes. One theme recurs throughout her writings; the unsuccessful efforts of a young girl to free herself of her obsession for a man who she knows is not worthy of her. Ibsen read her writings, and visited her home and her grave. Her story, like the one he had heard in Molde, must have made him think of Magdalene Thoresen; Magdalene had succeeded in escaping front her obsession, but if she had not she might have suffered the same fate as this young girl.

On 12 September 1887 Ibsen made a speech at Gothenburg, in the course of which he said that his polemical interests were waning and, with them, his eagerness for battle. Twelve days later, in a speech in Stockholm, he startled his audience by describing himself as an « optimist, » declaring that he believed the world was entering a new epoch in which old differences would be reconciled and humanity would find happiness. On 5 October he attended a dinner in the Copenhagen home of his publisher, Hegel. In bis address of thanks Ibsen said that this summer, in Denmark, he had discovered the sea; that the smooth and pleasant Danish sea, which one could come close to, without feeling that mountains cut off the approach, had given his soul rest and peace, and that he was carrying away memories of the sea which would hold significance for his life and his writing.

In addition to, bis rediscovery of the sea, and the international recognition that was now being accorded him, a third mollifying influence should be mentioned. During the eighteen months that clapsed between the completion of Rosmersholm and the beginning of The Lady from the Sea, Ibsen held a number of conversations with Henrik Jæger, who was preparing the first authorised biography  for publication in 1888, in honour of Ibsens sixtieth birthday. In the course of these conversations Ibsen recalled many old memories, to help Jæger with the early chapters. These memories included some which Ibsen had tried to forget; but now, when he dragged thent out into the daylight, he found that they no longer had the power to frighten him. Consequently, as Professor Francis Bull has observed, Ibsen must have felt impelled to ask himself whether it did not lie within a man’s power to drive away « ghosts » and « white horses, » of whatever kind, provided he had the courage to look his past in the face and make his choice between the past and the present, a choice taken « in freedom and full responsibility. » In Rosmersholm a potentially happy relationship between two people is destroyed by the power of the past; in The Lady from the Sea Wangel and Ellida overcome that power, and il may be that Ibsens conversations with Jæger gave him a new confidence, if only a temporary one, in man’s ability to escape from the terror of his own history.

A fourth influence, though scarcely a mollifying one, was the increasing interest of scientists during the eighteeneighties in the phenomena of hypnosis and suggestion. Throughout Europe during this decade writers were being infected with this interest; Ibsen’s preliminary jottings for The Wild Duck in 1884 contain references to « the sixth sense » and « magnetic influence, » and Strindberg’s Creditors, written in the same year as The Lady from the Sea, is closely concerned with « magnetism » and hypnosis.

It was Ibsen’s practice to allow eighteen months to elapse after the completion of a play before beginning to write another; he would meditate long on a theme before putting pen to paper. Consequently it was not until 5 june 1888 that he made the first rough notes for Rosmersholm‘s successor, which he provisionally entitled The Mermaid. Five days later he began the actual writing. It look him nine weeks to complete his first draft, and since in his manuscript he dated each act we can tell exactly how long the various stages of the play took him. Act I is dated zo-16 june; Act Il, 21-28 june; Act 111, 2-7 july; Act IV, 12-22 july; and Act V, 24-31 july. Early in August he began to revise the play, and by 18 August he had corrected the first two acts to his satisfaction. Two days later he began to revise the third act, and on 31 August he started on the fourth. We do not know when he finished his revision, but on 25 September he posted his final manuscript to Hegel, and on 28 November 1888 the play was published by Gyldendal in Copenhagen under the new title of The Lady front the Sea, in a first printing of 10,000 copies. It was first performed on 12 February 1889, simultaneously at the Christiania Theatre, Christiania, and at the Hoftheater, Weimar.

When The Lady front the Sea first appeared, most of the critics were puzzled, especially in Norway, and apart from a production at the Schauspielhaus in Berlin in 1889 the play seems never fully to have succeeded in Ibsen’s lifetime. Its psychology struck his contemporaries as fanciful and unconvincing, although Kierkegaard had long ago asserted, as Freud was shortly to assert, the importance of aflowing someone who is psychologically sick to be faced with some kind of choice and to make his own decision. When, however, The Lady from the Sea was revived in Oslo in 1928, on the centenary of Ibsen’s birth, Halvdan Koht wrote: « It was a surprise to find how fresh the play seemed…. What especially impressed everyone was how closely the whole conception of the play was related to the very latest scientific psychology, both that which Pierre Janet had originated in the nineties, and the ‘psycho-analysis’ which Sigmund Freud had founded at the same time, and which became universally known shortly after the beginning of the twentieth century. The Lady from the Sea instantly acquired a new meaning and new life. Science had in the meantime seized on all morbid activities of the soul, had penetrated into all its borderlands, and had tried to follow all the suppressed impulses in their subconscious effect, the strife between original, suppressed will or desire, and acquired, thought-directed will. With poetic insight Ibsen had seemed to foresee all this. He envisaged a woman who felt hampere and bound in her marriage because she had married, not for love, but for material support, and in whom there consequently arose a series of distorted imaginings which gripped her nünd like witchcraft. She needed a doctor, so Ibsen made her husband one–he had at first intended to make him a lawyer. Morcover, Ibsen discovered the remedy for Ellida; he gave her back her full sense of frecdom…. As early as Love’s Comedy (1862) he had declared war on all marriage which was not built upon full freedom, and now he wished to picture a marriage which, from being a business arrangement, became a fre and generous exchange. Ellida was to experience what Nora (in A Dolls House) missed «  the miracle ».

Ibsen’s rough notes and draft of The Lady from the Sea provide some interesting revelations of the dramatist’s mind at work. At first, as already explained, he intended to make Wangel a lawyer, « refined, well-born, bitter. His past stained by a rash affair. In consequence, his future career is blocked. » But he abandoned this conception, and Wangel became instead a kindly and understanding doctor. His wife first appears as Thora (perhaps after Magdalene Thoresen), but Ibsen changed this to Ellida. In the Saga of Frithiof the Bold there is a ship named Ellide, « which, » Halvdan Koht points out in his biography of Ibsen, « there means something like ‘the storm-goer.’ Such a name gave a stronger suggestion of storm and mysterious troll-powers; the ship Ellide in the saga was almost like a living person fighting its way against evil spirits that tried to drag it down ». Ibsen originally intended that Ellida should have broken her engagement with the seaman because of social and moral prejudices derived from his upbringing; but, significantly, he discarded this motive, and the conflict between Wangel and the Stranger became instead a struggle to gain control over the subconscious powers of her soul. Ibsen also planned at first to have an extra group of characters who would represent the outside world and be contrasted with the inhabitants of the little town, but he scrapped this idea, presumably to achieve stronger dramatic concentration.

Lyngstrand, the consumptive sculptor, had made a phantom appearance four years earlier in Ibsen’s first notes for The Wild Duck. Bolette and Hilde seem to have been present in Ibsen’s mind while he was planning Rosmersholm, since his early notes for that play contain mention of Rosmers two daughters by his dead wife, the elder of whom « is in danger of succumbing to inactivity and loneliness. She has rich talents, which are lying unused, » while the younger daughter is « sharply observant; passions beginning to dawn. » Among the characters Ibsen considered putting into The Lady from the Sea, but subsequently discarded, was «an old married clerk. In his youth wrote a play, which was performed once. Is continually touching it up, and lives in the illusion of getting it published and becoming famous. » This character, who appears to have been based on a friend of Ibsen’s youth named Vilhelm Foss, turned up four plays later as Vilhelm Foldal in John Gabriel Borkman. Hilde Wangel was to reappear formidably in The Master Bailder.

The early notes for The Lady from the Sea also contain mention of a « strange passenger », visiting with the steamer, who « once felt a deep attachment to her [Ellida] when she was engaged to the young sailor ». This character was clarified into Hesler, a civil servant; then Ibsen altered his name to Arenholdt, Askeholm and, finally, Amholm, and turned him from a civil servant into a schoolmaster.

The « young sailor » does not figure in Ibsen’s first castlist, and Ibsen seems to have intended that he should not appear; then he hit on the notion of making him, and not Arnholm, « the strange passenger » or, as he finally called him, « the Stranger ». The Stranger is (unless one reckons Ulrik Brendel in Rosmersholm as such) the predecessor of those intruders from the Outside World who enter so importantly into Ibsen’s later plays: Hilde in The Master Builder, The Rat Wife in Little Eyolf, Mrs Wilton in John Gabriel Borkman, the Nun in When We Dead Awaken.

After several productions had failed to portray the Stranger satisfactorily, Ibsen issued a directive that this character « shall always stand in the background, half concealed by the bushes; only the upper half of his body visible, against the moonlight. » In a letter to Julius Hoffory he stressed that the Stranger « has come as a passenger on a tourist steamer. He does not belong to the crew. He wears tourist dress, not travelling clothes. No-one knows what he is, or who he is, or what his real name is. » At Weimar, where he thought the production « quite admirable », though Wangel and Lyngstrand were disappointing, he allowed himself an unusual luxury in the way of praise. « I cannot wish for, and can hardly imagine, a better representation of the Stranger than the one I saw here. A long, lean figure, with a hawk face, black, piercing eyes and a splendid deep, quiet voice. »

The incident of the rings which Ellida and the Stranger throw into the sea as a token of betrothal was borrowed from Ibsen’s own experience. Thirty-five years before, in his early days as an apprentice at the theatre in Bergen, he had fallen in love with a fifteen-year-old girl named Rikke Holst, and they had betrothed themselves to cach other in just this way. Rikke’s father had broken off the match and, three years before he wrote The Lady from the Sea, Ibsen had reencountered his former fiancée, now married to a rich business man and surrounded by numerous children. That meeting, too, left its mark on the play.

The objection most commonly raised against The Lady from the Sea is the difficulty of making the climactical moment of Ellida’s choice seem convincing. In this connection Dr Gunnar Ollèn has written: « No one who saw theproduction in Vienna in the spring of 1950, with Attila Hörbiger as Wangel and Paula Wessely as Ellida, will share the opinion that Ellida’s choice is implausible. The way Hörbiger played the scene in which he gives Ellida her freedom, her choice seemed utterly natural. He became red in the face, and had difficulty in enunciating his words, standing absolutely motionless and upright, with tears streaming down his cheeks. Quite simply, a stronger emotional power emanated from her husband than from the sailor. She … stared at Wangel as though seeing him for the first time, and then walked slowly across to him as though magneticaIly drawn. It was as if two hypnotists were fighting to gain control of a medium »

Pirandello particularly admired The Lady from the Sea, and Ellida was Eleonora Duse’s favourite role among the many of Ibsens in which she excelled. She chose it both for her « farwell performance » in 1909, and for her come-back twelve years later. In 1923 she played it in London, at the New Oxford Theatre, and James Agate bas left a memorable description of her performance:

« This play is a godsend to a great artist whose forte is not so much doing as suffering that which Fate has donc to her. With Duse, speech is silver and silence golden…. The long second act was a symphony for the voice, but to me the scene of greatest marvel was the third act. In this Duse scalled incredible heights. There was one moment when, drawn by every fibre of her being to the unknown irresistible of the Stranger and the sea, she blotted herself behind her husband and took comfort and courage from his hand. Here terror and ecstasy sweep over her face with that curions effect which this actress alone knows, – as though this were not present stress but havoc remembered of past time. Her features have the placidity of long grief; so many storms have broken over them that nothing can disturb again this sea of calm distress. If there be in acting such a thing as pure passion divorced from the body yet expressed in terms of the body, it is here. Now and again in this strange play Duse would seem to pass beyond our ken, and where she has been there is only a fragrance and a sound in our ears like water flowing under the stars. »

Duse’s interpretation remained unchallenged for over half a century. Then, in 1976, Vanessa Redgrave played Ellida in a production of The Lady from the Sea by Tony Richardson at the Circle in the Square, New York. Her performance was unanimously admired. Two years later, she acted the part again in a new and even better production by Michael Elliott at the Royal Exchange Theatre, Manchester, transferring (16 May 1979) to the Round House in London, amid further acclaim. « She combines» wrote Michael Coveney in the Financial Times, « animal passion and suffocating doubt in a marvellous expression of Ellida’s inner struggle »; and Francis King prophesied in the Sunday Telegraph: « I suspect that one day we shall be reminiscing about Miss Redgraves Ellida as fondly as gaffers now reminisce about Duse ». It was indeed one of the great Ibsen performances and productions.

MICHAEL MEYER

Initiation de Lugné-Poe à Ibsen / Jacques Robichez

Portrait de Lugné-Poe par Vuillard, 1891

Portrait de Lugné-Poe par Vuillard, 1891

Initiation de Lugné-Poe à Ibsen

« La Dame de la mer »

Extrait d’un chapitre de Le Symbolisme au théâtre, de Jacques Robichez, L’Arche, 1957, p151-157


(…) Pour quelles raisons le choix des Escholiers s’était-il porté sur La Dame de la Mer[2] ? Chronologiquement, la pièce précède immédiatement Hedda Gabler[3]. Les deux drames avaient été joués à Londres au printemps de 1891 à quelques jours d’intervalle[4]. Dans l’œuvre du poète, La Dame de la Mer, écrite sous le charme de souvenirs de jeunesse[5], correspond à un apaisement et à une détente[6]. L’étrange passion de l’héroine pour la mer, c’est un peu Ibsen lui-même qui l’a éprouvée. Il y a transposé ses propres souvenirs d’enfant et de jeune homme, certaines émotions d’Italie, ses nostalgies d’exilé à Dresde et à Munich. C’est une pièce de « conciliation »[7] où le dramaturge se fait moins agressif. Sa parfaite clarté, son dénouement heureux, pouvaient disposer favorablement les critiques qui n’étaient pas encore acquis à l’art ibsénien. Et surtout La Dame de la Mer prêtait peut-être plus qu’un autre drame à une interprétation poétique, tranchant sur celles du Théâtre Libre et du Vaudeville. Au reste l’un des Escholiers, Thadée Natanson, préparait une traduction de la pièce[8] et cette raison fut sans doute déterminante. C’est le 11 mars 1892 qu’elle fut lue aux Escholiers[9] puis reçue par le Comité. Toutefois, Natanson faisant attendre sa traduction, la représentation fut reportée après les vacances à la première quinzaine d’octobre[10]. Cependant vers le début du mois de septembre, il semble évident que Natanson ne sera pas prêt et Georges Bourdon, qui envisage d’avoir recours à la traduction de Chenevière et Johansen, écrit à Lugné-Poé :

« Ecris-moi donc longuement sur Ibsen. Si nous voulons passer dans sept semaines, vous avez tout juste le temps de répéter. Faut-il faire décidément notre deuil de Thadée ? Si nous prenons la traduction Savine, au moins serait-il courtois d’en avertir les auteurs… »[11]

Ainsi, jusqu’à quelques semaines de la représentation, sans doute enhardis par l’exemple d’Antoine, les Escholiers n’avaient pris contact ni avec Prozor, ni avec Desjardins, ni avec Savine, ni avec Chennevière et Johansen. Dans Le Sot du Tremplin, Lugné place à tort à cette date le début de ses relations avec Prozor[12]. Il est certain qu’il ne le vit pas alors et qu’il ne lui écrivit pas personnellement pour solliciter l’autorisation d’Ibsen[13]. Quoi qu’il en soit, par Prozor ou par Desjardins, cette autorisation semble avoir été accordée[14] et la pièce fut jouée au Théàtre Moderne le 16 décembre 1892[15].

Cette soirée du 16 décembre est plus importante que toutes les représentations ibséniennes qui l’ont précédée, parce que, pour la première fois, apparait dans l’interprétation un parti-pris symboliste. On verra que la notion de Symbolisme dramatique, encore vague jusqu’au moment où sont joués les premiers drames de Maeterlinck, se précise singulièrement au cours des deux ou trois années qui précèdent la fondation de L’Œuvre. A propos d’Ibsen, quand les critiques parlent de Symbolisme, ils l’entendent en deux sens différents.

Ou bien ils veulent dire que tous ses personnages sont des êtres complexes, mystérieux, se prêtant à l’analyse en profondeur et lui offrant successivement de nouvelles, de plus en plus secrètes révélations. Interprétation qui, pour quelques-uns des héros d’Ibsen, peut aisément se justifier, mais qui pour beaucoup d’autres est indéfendable. Dans La Dame de la Mer, Ballested, Arnholm, Bolette ne sont que de braves gens dessinés simplement et sans arrière-pensée. Il n’en va pas tout à fait de même de Wangel, d’Ellida, de l’Etranger. En eux, il est vrai, deux spectateurs différents ne distingueront pas les mêmes éléments psychologiques. Plus ou moins d’intuition, de perspicacité permettra d’apercevoir le conflit qui les oppose tout au fond d’eux-mêmes : Servitude et Liberté, Devoir et Aventure, Fjord et Grand Large, ou limitera le drame à l’anecdote banale d’une femme tentée par l’adultère et sauvée par la générosité de son mari.

Ou bien la critique prétend faire du théâtre d’Ibsen un théâtre d’allégories : parce que l’une des premières pièces d’Ibsen jouées à Paris était Le Canard Sauvage, parce que les critiques s’évertuaient à découvrir ce que « signifiait» ce canard, on a été tout naturellement porté à voir derrière chaque personnage d’Ibsen une notion d’ordre moral ou philosophique, derrière chacune de ses intrigues la confrontation d’un certain nombre de concepts, habillés tant bien que mal en images, derrière chaque indication scénique, aussi banale qu’elle fût, un sens caché. On a voulu que la pluie des Revenants et le soleil voulussent dire quelque chose et l’on a nommé symboliste ce théâtre à double sens[16], ce théâtre à clef, malgré les protestations unanimes des scandinaves, malgré les affirmations réitérées de l’auteur lui-même.

Presque toutes les querelles de la critique, à propos d’Ibsen, reposent donc sur une équivoque que ne justifiait guère son théâtre et que ne laissaient pas prévoir les premières réactions de 1890, Les Revenants, Le Canard Sauvage, Hedda Gabler, La Dame de la Mer étaient autant de drames où l’intrigue, l’analyse des caractères se suffisaient à elles-mêmes sans référence à une réalité mystérieuse. Cependant, pour La Dame de la Mer, il était tentant de projeter l’anecdote sur un plan plus général et moins immédiatement perceptible. L’héroïne elle-même proclamait qu’entre elle, l’Etranger et la mer existait une communauté secrète, une analogie poétique[17], dont on chercherait vainement l’équivalent dans Hedda Gabler ou dans Les Revenants.

Lugné-Poe mit résolument l’accent sur cet aspect de la pièce[18]. Il appliqua à Ibsen ce jeu nouveau, solennel et monotone qu’il avait expérimenté dans L’Intruse et Les Aveugles, ce jeu que la critique réclamait et approuvait au Théâtre d’Art et dont elle allait se lasser au Théâtre de L’Œuvre. Un Danois, Jens Petersen, suivait les répétitions et guidait le jeune metteur en scène[19]. Il s’efforçait de ramener l’interprétation vers la normale, à l’image des représentations danoises et norvégiennes[20]. Ce fut en vain. Cette Ellida qui avait réellement vécu, qu’Ibsen avait personnellement connue dans sa famille, qui s’appelait Magdalene Thoresen[21] devint, sur la scène française, sous les traits de l’interprète de Maeterlinck, Georgette Camée, l’étrange créature aux longs voiles, le fantôme blanc qu’évoque la lithographie de Maurice Denis[22], et de son mari l’homme lucide et tendre, cordial et bon vivant, le médecin professionnellement intéressé par un cas de névrose, Lugné-Poe fit l’être incompréhensible, lointain et fasciné que Jules Lemaitre devait surnommer plus tard le « clergyman somnambule ».

Une pareille interprétation explique en partie les réactions de la critique. Sarcey avoue, une fois de plus, n’avoir rien compris à la pièce[23].

« Oserai-je dire, écrit de son côté Henry Fouquier, que tout ceci reste trop obscur et que décidément il nous est bien difficile d’entrer dans l’état d’âme du Nord? »[24].

On sait qu’un pareil aveu ne se rencontre pas souvent sous la plume de Jules Lemaitre. Il souligne[25] ce qui, dans la pièce, demeure étranger à la sensibilité française : la conversation de Wangel et d’Ellida « ressemble à celle d’une stalactite et d’une stalagmite dans la blanche crevasse d’un fjord ». Mais il n’est pas déconcerté pour autant. Il reprend son idée favorite : Ibsen a le don de « rafraîchir les vieilles choses ». Que dans le mariage la femme ait le droit de librement disposer d’elle-même, que la seule fidélité soit une fidélité non acceptée mais voulue, voilà bien pour Lemaitre des idées auxquelles George Sand a rendu les Français familiers[26]. Mais chez Ibsen « la plupart des personnages sont haussés jusqu’au symbole » et les acteurs ont eu raison d’adopter un ton de « simplicité et de gravité ».

Au contraire, Jean Jullien écrivait : « Les interprètes ont eu tort de vouloir créer une atmosphère de mystère autour des personnages par leurs gestes hiératiques et le lyrisme de certaines intonations ; c’est de l’allégorie, oui ; mais de l’allégorie vivante. Jouez-la donc en vivants »[27]. Mais Sartey, Lemaître, Jullien, s’accordaient à féliciter chaleureusement les Escholiers[28]. C’était la plus glorieuse soirée du Cercle et le plus grand succès qu’Ibsen eùt encore remporté à Paris. Au souper qui suivit la représentation, le Comité rédigea un télégramme à l’adresse d’Ibsen :

« Les Escholiers réunis après le triomphe de La Dame de la Mer envoient à Ibsen l’hommage de leur admiration respectueuse »[29]

Quelques semaines plus tard, le Mercure de France[30], L’Ermitage[31], L’Art Social[32], L’Académie française[33] consacrent ce triomphe et, selon le mot de Jacques des Gachons, applaudissent chez Lugné-Poe « une conscience littéraire et un goût qui promettent pour demain un très curieux artiste » ». Mais l’article le plus significatif est celui d’Henri de Régnier:« (Ibsen) a inventé une chose qui lui appartient, des personnages tout en profondeur. Il y a en eux des remous d’âme qui tout à coup se creusent en vortex et laissent voir en leur spirale tortueuse le fond des songes les plus intérieurs. Ce qu’il y a en eux de latent et d’inavoué se découvre et apparaît et au-delà de l’être normal et superficiel s’en révèle un autre, à nu, plus étrange et véridique. Les personnages sont comme leurs propres spectres »[34].

Ainsi, par la voix de Régnier, c’était bien à la jeune école qu’était annexé le théâtre d’Ibsen. Celui-ci ne se plaindra pas d’ailleurs immédiatement d’être ainsi enrôlé. À la fin de 1892, son œuvre ne s’est pas encore imposée en France. Il est prêt à beaucoup de concessions et redoute de froisser les susceptibilités littéraires. La préface qu’il donne au recueil annuel de Ginisty, L’Année littéraire[35], a de quoi décevoir les amateurs d’originalité. Remontant à quarante ans en arrière, il se contente d’y relater avec bonhomie quelques anecdotes touchant sa première pièce, Catilina. L’interview que publie le 4 janvier 1893 Maurice Bigeon dans Le Figaro témoigne, si elle est fidèle, de la même prudence et du même désir d’être aimable: les Français « ont la probité de l’intelligence ». C’est à Paris que « véritablement bat le cœur du monde ». Pour les représentations, Ibsen a été satisfait « au delà de (ses) désirs ». – « je suis surpris – ajoute-t-il – de l’extraordinaire intelligence de vos critiques dramatiques. » Le livre d’Ehrhard est excellent, la conférence de Jules Lemaitre « une merveille », Becque est admirable, Zola et ses disciples ne le sont pas moins. Et ces éloges n’empêchent pas Ibsen d’apprécier aussi les Symbolistes :

« Oh! ceux-là, plus encore que vos jeunes dramaturges réalistes, ce sont mes préférés. Je les connais peu, malheureusement : ils sont très jeunes et je suis très vieux, mais je les aime car ils ont le frisson de l’avenir, ils chanteront l’hymne à l’aurore, ils rempliront les jours qui vont se lever. Eux et moi, nous sommes en communion d’idée ».

Parole imprudente parmi tant de prudence et de bénédictions ! Parole que les jeunes écrivains ne devaient que trop retenir. Pour plusieurs années Ibsen allait devenir, et surtout par l’action personnelle de Lugné-Poe, le prisonnier mal résigné des Symbolistes français.


[1] Le Symbolisme au théâtre, L’Arche, 1957, 151-157

[2] Lugné-Poe a écrit à plusieurs reprises (Le Sot du tremplin p. 221 Ibsen, p. 30. etc.) qu’Ibsen voulait que sa première pièce représentée à Paris fût La Dame de la Mer. Nous n’avons rien trouvé dans la correspondance d’Ibsen ni dans celle de Prozor qui confirmât cette préférence. Une lettre d’Ibsen à Prozor du 3 mars 1891 (Archives Prozor) indique comme premiers drames à diffuser en France, Le Canard Sauvage, Hedda Gabler, Un Ennemi du peuple.

[3] La Dame de la Mer, nov. 1888. Hedda Gabler, déc. 1890

[4] Cf. H. Kohl. Herrik Ibsen. Eit diktarliv, t. Il, pp. 3CS-313

[5] Lugné-Poe, Ibsen, pp. 30, sqq

[6] Cf. Bernard Shaw, Quintessence of Ibsenism, p. 89

[7] W. Berteval, Le Théâtre d’Ibsen, p. 241

[8] Cf. Lugné-Poe, Ibsen, p. 30

[9] Lettre de G. Bourdon à Lugné-Poe du 4 mars 1892 (B. Auteurs). La traduction de Natanson n’étant pas achevée, ce fut sans doute la traduction de Chennevière et johansen qui servit à la lecture. Cette traduction, qui devait être celle de la représentation, avait paru chez Savine dans un volume contenant aussi Un Ennemi de peuple, à la fin de janvier ou au début de février 1892. (Lettre de Savine à Prozor du 9 fév. 1892. Archives Prozor.)

[10] Bulletin des Escholiers, juil. 1892, (B. Auteurs)

[11] Lettre de G. Bourdon à Lugné-Poe du 3 sept. 1892. (B. Auteurs). Georges Bourdon allait être réélu président des Escholiers le Il nov. 1892 (Livre dot des Escholiers, liste des présidents)

[12] Le Sot du Tremplin, p. 219

[13] Nous avons en effet trouvé (Archives Prozol) le billet suivant adressé à Prozor par Lugné-Poe, le 21 mai 1893 . « Monsieur, Où puis-je avoir l’honneur de vous rencontrer ? C’est pour affaire personnelle qui vous sera peut-être agréable. – Très vôtre. A.F. Lugné-Poe. Mon nom ne vous est peut-être pas complètement inconnu, ayant eu cet hiver la satisfaction de faire jouer La Dame de la Mer et Pelléas et Mélisande. L.P. »

[14] Lugné-Poe, Ibsen. p. 33. L’autorisation est cependant contestée par Henry Bauër, (L’Echo de Paris, 19 déc. 1892).

[15] Georges Bourdon avait primitivement songé à la Salle des Bouffes du Nord où L’CEuvre fera ses débuts. (Lettre à Lugné-Poe du 12 nov. 1892, B. Auteurs.)

[16] Les deux livres en langue française sur Ibsen dont pouvaient s’inspirer les critiques de 1892, étaient celui de Charles Sarolea (Henrik Ibsen, 1891) et celui, plus important, d’Auguste Ehrhard (Henrik Ibsen et le théâtre contemporain, 1892). Sarolea et Ehrhard étaient très éloignés de fournir aux ibséniens des commentaires aussi pénétrants que ceux d’Edmond Gosse (Northern Studies, 1890) ou de G. B. Shaw (Quintessence of Ibsenism, 1891). Le livre de Shaw en particulier est une brillante exégèse du théâtre d’Ibsen. Voici comment Ehrhard (op. cit., 342-343) analysait le symbolisme ibsénien : « Le symbolisme est la forme de l’art qui donne à la fois satisfaction à notre désir de voir représenter la réalité et à notre besoin de la dépasser. Il fond ensemble le concret et l’abstrait. La réalité a un dessous, les faits un sens caché : ils sont la représentation matérielle des idées ; l’idée paraît dans le fait. La réalité est l’image sensible, le symbole du monde invisible. Le symbolisme ainsi compris diffère beaucoup de ce genre raffiné qui est depuis quelques années inauguré en France, qui repose sur un principe excellent, sur la nécessité de suggérer tout l’homme, de faire deviner une immensité vague, derrière les choses précises, mais qui n’est guère resté jusqu’à présent qu’un pur travail de forme et qui est discrédité par quelques charlatans et beaucoup de maladroits. Le vrai symbolisme, c’est l’idéalisation de la matière, la transfiguration du réel ; c’est la suggestion de l’infini par le fini. » Ehrhard expliquait ensuite comment ce symbolisme était aussi bien celui d’Ibsen que celui de Zola et de Dumas. (Le rapprochement entre Ibsen et Dumas avait été fait par E.M. de Vogüé, « Les Cigognes ». La Revue des Deux Mondes, 15 fév. 1892). Ehrhard concluait : « Un fait positif au milieu, puis, pareilles à des rayons qui partiraient de ce point central, les idées ou la leçon morale que le fait provoque. Enfin, tout autour, à la circonférence, une zone brumeuse qui représente le mystère dont la destinée humaine est entourée, voilà la figure géométrique, le schéma du drame symbolique d’Ibsen.» (op. cit., pp. 348-349).

[17] Les critiques français, prompts à rapprocher l’oeuvre d’Ibsen de notre littérature du dix-neuvième siècle, ont négligé de citer, à propos du caractère d’Ellida, L’Homme et la Mer des Fleurs du Mal « Homme fibre toujours tu chériras la mer / La mer est ton miroir… » et aussi Le Spleen de Paris, XXXIV, Déjà

[18] Lugné-Poe, Ibsen, p. 35

[19] Lugné-Poe, Le Sot du tremplin, pp. 221-222

[20] Ottar Odland, op. cit., p. 94, sqq, insiste sur la simplicité du drame il offre dans l’ensemble un sens réaliste et même terre à terre qui est indéniable. »

[21] Hast, Henrik Ibsen, p. 219

[22] Cette lithographie est reproduite dans Lugné-Poc, Ibsen, (plan. che XXI).

[23] Le Temps, 19 déc. 1892

[24] Le Figaro, 17 déc. 1892

[25] Le Journal des Débats, 19 déc. 1892

[26] Lemaitre aurait pu évoquer Michelet dont une page rappelle d’assez près le thème de La Dame de la Mer (Le Prêtre. p. 304.) Le mari dit à la femme : « Tu es libre, le pouvoir sous lequel tu as grandi ne te retient plus. Hors de moi, et n’y tenant que par le cœur et le souvenir, tu peux agir, penser ailleurs… et contre moi si tu peux ! Voilà ce qu’il y a de sublime dans l’amour, et pourquoi Dieu lui pardonne tant de choses ! c’est que dans son désintéressement sans limites, voulant faire un être libre et en être aimé librement, il crée son propre péril… Le mot pouvoir agir ailleurs contient aussi aimer ailleurs, et la chance de l’arrachement.

[27] Paris, 19 déc. 1892. On sait 1’affectueuse estime de Lugné-Poe pour Jean Jullien. Il ne suivit point cependant le conseil

[28] Céard écrivait de son côté dans L’Evénement (20 déc. 1892) un article très favorable, contenant mainte allusion hostile à Antoine. En revanche, Henry Bauër fut très sévère pour les Escholiers. Dès que ceux-ci avaient annoncé leur projet, il l’avait combattu : « je ne me réjouis pas de cette tentative et je n’approuve pas les traducteurs trop pressés de s’y prêter. La pièce est de celles qui ne se montent pas à la diable, ne souffrent pas une interprétation improvisée, raccrochée çà et là et sont menacées de périr sous les difficultés matérielles, le ridicule de la mise en scène dans un théatricule. » (L’Echo de Paris, 23 avr. 1892). Après la représentation à laquelle il n’assista pas, il écrivit un compte-rendu qui déclarait : « Les différentes tentatives d’appropriation d’Ibsen à la scène française furent des tentatives d’assassinat » et où il reprochait violemment aux Escholiers leur inexpérience, la médiocrité de leurs décors, leur incompréhension du texte (L’Echo de Paris. 19 déc. 1892). Nous n’avons pu découvrir la raison pour laquelle le futur défenseur d’Ibsen à L’Œuvre adopta cette attitude.

[29] La copie de ce télégramme a été conservée par Lugné-Poe, ainsi que la réponse d’Ibsen : « Pour votre aimable dépêche qui me réjouit merci de tout mon coeur. » (B. Auteurs).

[30] janv. 1893

[31] Janv. 1893, (Jacques des Gachons)

[32] Janv. 1893, (Ludovic Hamilo).

[33] Fév. 1893. Saint-Georges de Bouhélier et Maurice Le Blond venaient de fonder cette revue

[34] Entretiens politiques et littérairee, 10 janv. 1893. C’est bien ce premier aspect du Symbolisme dramatique que nous avons analysé, cidessus, p. 153.

[35] L’Année littéraire, huitième année, 1892, Charpentier-Pasquelle, 1893

Les Âmes modernes / Henri Bordeaux

 

Ibsen

Deux extraits du chapitre sur Ibsen des « Âmes modernes », de Henri Bordeaux, Perrin, 1894, p37-39, 43-45

Premier extrait:

(…) « Je ne suis pas celle que tu croyais épouser, » murmure douloureusement Ellida à son mari Wangel dans la Dame de la mer. Là non plus leur vie conjugale n’est point faite de franchise et de sincérité. Entre eux se dresse le souvenir étrange que garde en son cœur Ellida d’un fiancé de jadis, venu de Finlande et reparti sur la mer lointaine, d’un étranger qui incarne son rêve d’inconnu, de vie libre et volontaire et d’amour infini, comme cette grande mer troublante sur laquelle il vogue à pleines voiles. Et rien ne peut briser cette tentation d’inconnu qui envahit sa pauvre âme de désir, car elle est intérieure et symbolise l’éternel rêve des hommes. Et, lorsque le mystérieux étranger s’en vient en toute certitude réclamer Ellida pour l’emmener sur les larges Océans, elle demande à son mari de la dégager, afin qu’en toute liberté elle puisse choisir son destin et suivre l’Etranger, cette nuit même si telle est sa volonté: son union avec Wangel ne fut point librement consentie, et de là vient toute leur misère, en vain Wangel la supplie de renoncer à son rêve: « Tu ne peux pas m’empêcher de choisir, – lui réplique-t-elle affolée, – ni toi ni personne. Tu peux me défendre de partir avec lui, de le suivre, malgré moi. Tu peux me retenir ici de force. Mais tu ne peux pas m’empêcher de choisir, dans le fond de mon âme, de te le préférer si tel est mon désir, si tel est mon devoir, » On n’enchaîne point la pensée et le désir qui demeurent éternellement libres de poursuivre le mystère, l’inconnu lointain et attirant. Et Wangel murmure avec une douleur résignée : –  « Je le vois bien, Ellida ! Tu m’échappes de plus en plus. Le désir de l’Infini, de l’idéal irréalisable, finira par jeter ton âme dans les profondeur sombres de la nuit… – Oui, oui, – ajoute Ellida suppliante, je sens au-dessus de moi planer de grandes ailes noires et silencieuses. » Alors Wangel, dont la supérieure intelligence comprend le secret des âmes souffrantes, rend à la Dame de la mer sa liberté, afin qu’elle choisisse volontairement entre le rêve qui l’effare et la réalité dont elle comprend soudainement la douceur, et Ellida, ayant la possibilité de contempler face à face le mystérieux inconnu et d’y pénétrer pour jamais, y renonce librement. Car le rêve meurt en nous sitôt qu’il est réalisable, et, s’appuyant à son époux retrouvé, Ellida dit enfin cette phrase qui résume la pensée d’Ibsen: « – Maintenant je serai à toi. Maintenant je le peux, parce que maintenant je viens à toi en toute liberté, volontairement, comme un être responsable de ses actes. »

Ainsi toutes les unions qui ne sont point basées sur la libre volonté et la reconnaissance ont-elles un principe mauvais qui les dissout tôt ou tard. Le mariage d’Hedda Gabler et de Georges Tesman, issus de deux milieux différents et n’étant point d’une même race d’âmes, en est encore une preuve. Aux yeux d’Ibsen, l’individu ne doit point supporter ce perpétuel mensonge des unions mal assorties : qu’il en sorte plutôt en brisant ces liens hypocrites, mais qu’il n’étouffe jamais en lui la voix de la vérité.

Second extrait:

(…) La vie est bonne en soi : il faut que l’être humain jouisse pleinement des choses, et pour cela qu’il multiplie ses sensations de vie. Ainsi les jeunes femmes d’Ibsen vont parfois jusqu’aux extrêmes du désir de vivre, jusqu’à la séduction de l’épouvante et de l’inconnu. De simples mots, murmurés comme en rêve au cours de ses drames, la grande mer, la mer lointaine prennent des inflexions mystérieuses et troublantes. Marthe, dans la beauté de son sacrifice, pousse Dina vers cette vie plus vivante dont elle-même, Waura jamais que le désir: « Va où ton bonheur t’appelle, chère enfant, sur la mer immense! Que de fois dans mon école, là-bas, j’ai rêvé de cette mer! Puis, on doit être si bien là-bas, le ciel est plus vaste, les nuages flottent plus haut qu’ici; l’homme respire un air plus libre[1]… » Et, dans la Dame de la mer, tout le magnétique pouvoir de l’Etranger est fait du charme de la mer, du charme des rêves qui font la vie plus vaste.

C’est surtout par la pensée que les femmes d’Ibsen manifestent leur fièvre de vivre. Elles souffrent des existences monotones et des sorts médiocres, et, ne pouvant briser les liens sociaux qui les retiennent, par la pensée elles s’en échappent, et vaguent au loin dans la vie rêvée, dans les fantaisies cérébrales, plus profondes et plus hautes que celles des sens. Il y a même dans leur cas un peu de perversion intellectuelle . des sensations rares et artificielles les attirent, elles aiment à marcher au fond des abîmes qu’elles contemplent avec un frisson d’étrange volupté, elles subissent l’attraction du danger et trouvent un bonheur indicible à la sensation du vertige, parce que du moins elles sentent la vie passer en elles à ces instants inouïs. Ce sont des âmes compliquées de femmes du Nord, qui dans les soirs de neige ont scruté les métaphysiques et heurté leur front aux explications de vivre. Leur vie intérieure fut intense, et se reflète sur la pâleur de leurs traits délicats et la profondeur de leurs Yeux énigmatiques. L’inconnu, ce qui effraye et attire à la fois, les tourmente. Elles faussent les sentiments par une recherche cérébrale trop raffinée. Ainsi, dans la Dame de la mer, Hilda, l’exquise jeune fille dont le cœur est prêt à s’abandonner tout entier à qui est bon pour elle et la caresse, qui aime peut-être, silencieuse, Lyngstrand, le sculpteur poitrinaire, et se plait à l’idée d’être une fiancée en deuil, trouve une saveur étrange à cette pensée que Lyngstrand lui parle sans cesse de partir pour l’étranger et de devenir un grand artiste, et que rien de tout cela ne sera jamais réalisé, car la mort l’a déjà touché. Et dans Solness, lorsque Hilda Wangel voit le hardi constructeur que menace le vertige, debout au sommet de la tour qu’il a construite, elle s’écrie avec extase : « Oh! que c’est émotionnant! »


[1] Les Soutiens de la société.